Monday, January 12, 2015

Je suis Charlie. Vraiment

Hier j'ai défilé de la République à la Nation. Je suis montée à Paris. J'ai pris mes billets samedi soir sur un coup de tête en rentrant du rassemblement marseillais. Envie d'y être. Plus d'une heure pour arriver à République depuis Barbès ou habite mon frère. Nous avons été bloqués dès la gare de l'Est. Rien ne bougeait vraiment, on faisait quelques pas de temps en temps. Marc avait beaucoup de succès dans sa poussette avec sur la capote, l'affiche "Je suis Charlie" qu'on nous avait distribué. Il y avait des familles, les petits juchés sur les épaules de leur pères et mères. Des gens de tous ages, des couples, des amis. On essayait de se faufiler sur le côté pour avancer un peu, mais on croisait des files de gens qui rebroussaient chemin en expliquant que c'était complètement bouché. Qu'ils abandonnaient. Anne-Sophie et Marc dans sa poussette on rebroussé chemin à République. Il était déjà plus de 17h. La marche devait commencer à 15h à République....

Ensuite, ça s'était bien débloqué, mais j'ai préféré prendre le trajet le plus au sud, celui qui passait par Bastille. Il semblait y avoir moins de monde. A bastille, j'ai hésité à courir vers la gare pour attraper mon train de 18h19, et puis je me suis dit - tant pis, j'en prendrai un autre, plus tard. Il fallait que j'aille jusqu'à Nation, avec tous ces gens. Moins de familles, mais des enfants plus grands, des jeunes, des vieux, parfois très vieux, des vélibs, des CRS, des rues entières de cars de CRS.  Des couples, des petits groupes d'amis. Quelque solitaires comme moi. J'ai appelé Greg, il m'a dit qu'on parlait d'un rassemblement historique, qu'il y avait tellement de monde que la police ne pourrait pas compter, plus d'un million à Paris. J'ai dit : "tout le monde est la, il ne manque que toi." J'aurais voulu partager cette marche calme, cette union tranquille, cette force pour défendre la république avec lui. Émaillés sur le trajet, des lieux d'hommages et de recueillement, bougies bouquets, drapeaux, petits mots. Je suis allée jusqu'à Nation, puis j'ai rejoint mon frère à la gare de Lyon. En descendant le boulevard Diderot, la foule était encore compacte. Tout le monde rentrait à pied. On a dîné et j'ai repris mon train.

Et ce matin les chiffres : 4 millions en France, 1,5 millions à Paris...100 000 à l'étranger.

Et les unes : Un peuple se lève, La France debout, La liberté en marche, Une marche pour l'histoire. Historique!
Libé : nous sommes un peuple.

Et celui-la du Daily Telegraph : Liberty, Equalité, Fraternity: France defies the terrorists

Puis les questions, les analyses, le billet de Sophie Aram :"Le droit de blasphème est sacré... Votre liberté de prier est le pendant de notre liberté de penser".

Je suis Charlie. J'ai bien réfléchi, bien lu tous ceux qui disent, à contre courant, ne pas être Charlie, pour diverses raison, soit qu'ils n'étaient pas d'accord avec le journal, le trouvant raciste, islamophobe, sexiste (on croit rêver... l'humour, toute une éducation). Ou bien plus sérieusement, trouvant qu'il est indécent de dire maintenant "Je suis Charlie", alors qu'on a rien fait pour le soutenir, avant. Alors qu'on ne fait rien contre les enlèvements aux Nigéria, contre la guerre en Syrie, etc, etc.

Mais je suis Charlie quand même. Je suis Charlie par mon athéisme convaincu, par mon gout de la provocation, avec ma mauvaise fois intermittente et honteuse, avec mon manque de suite dans les idées, et mes velléités d'engagement. Je suis Charlie avec tous ces gens qui défilaient dans le calme, jeunes et vieux, en famille, en couple, entre amis.

Je suis Charlie, et après? On fait quoi, on analyse, on réfléchit, on cherche. On cherche ce qu'on peut faire. A son niveau. Pour l'éducation. Pour militer, favoriser l'éducation des gosses des banlieues. Et pour aider à la disparitions des religions. Parce que tout le problème vient de là. Mais pas que. Regarde la Corée du Nord, les goulags soviétiques. Point de religion dans ces dictatures. Est-ce que le monde serait pire sans religion? Certains, comme mon père, pensent la religion indispensable pour la paix sociale et voient en elle un garde fou contre la bestialité de l'homme. Ils ne croient pas à une morale athée, à des valeurs républicaines. Pourtant la république se fonde sur la laïcité. Mais mon père ne croit plus à la démocratie. C'est sa dernière provocation. Entre sœur Emmanuelle et mon père, il y a nous tous, et nos personnalités plus ou moins empathiques, nos compromis entre élans de générosité et égoïsme. Et pourquoi pas un monde ou tous sont frères? Y croire encore? Ou sauver sa peau et continuer à profiter égoïstement de sa petite existence, pardon cultiver son jardin.... Les deux mon capitaine?

Reblogguer des billets de Sophie Aram en se revendiquant athée. Est-ce que c'est utile? ou contre-productif? Que faire alors? S'abonner à Charlie, l'acheter toutes les semaines? Donner son pouvoir d'achat et sa force commerciale à une cause et des voix plus fortes? Mais quelles voix? Charlie Hebdo? La provocation est elle le meilleur moyen d'arriver au but?

Ou alors parier sur l'intelligence, l'éducation, l'esprit critique des lumières, le libre arbitre. Combattre par les mots. Ecrire. Et publier. Convaincre plutôt que vaincre.